L'industrie de la mode est depuis des années confrontée à des violations des droits de l'homme, une situation qui a été encore exacerbée par la perturbation mondiale des chaînes d'approvisionnement causée par la pandémie de COVID-19. Les politiques de confinement et de distanciation sociale ont mis en perspective les limites du système d'audit social, l'un des rares outils dont les entreprises ont disposé pour travailler sur l'amélioration de la durabilité « sociale » dans le cadre de leurs objectifs ESG. 

Bien que ces problèmes existaient avant la pandémie, ils gagnent désormais en importance en raison de l'intérêt accru des consommateurs, et de la pression croissante pour renforcer les normes de diligence raisonnable dans les juridictions mondiales. 

Le paysage mondial des droits de l'homme ne s'améliore pas non plus. Selon le Human Rights Outlook 2023, plusieurs régions du monde suscitent des inquiétudes où les droits du travail et les droits politiques sont à risque. 

Le message dominant dans le climat actuel est que les entreprises ne peuvent plus se permettre de fermer les yeux ou de continuer à s'appuyer sur des outils obsolètes qui se sont révélés inefficaces pour combattre les graves problèmes qui subsistent. 

Bien que la technologie à elle seule ne soit peut-être pas la solution définitive à l'état actuel des droits de l'homme dans l'industrie, les outils technologiques émergents offrent de nouvelles voies pour dévoiler les abus ou les risques, ainsi que pour accroître la visibilité tout au long de la chaîne d'approvisionnement.

Les tendances vont même jusqu'à suggérer que la mode entre maintenant dans une ère de “hyper transparence” tant dans les chaînes d'approvisionnement amont que aval. 

Trois aspects clés dans lesquels les outils technologiques changent le paysage existant incluent la visibilité de la chaîne d'approvisionnement, la surveillance des médias et la prédiction et analyse des risques. Regardons de plus près chacun de ces éléments.

Visibilité de la chaîne d'approvisionnement

Les législations en matière de diligence raisonnable et de reporting d'entreprise, telles que la directive sur le reporting de durabilité des entreprises dans l'Union européenne, exigent désormais des entreprises qu'elles aient une connaissance au-delà de leurs fournisseurs de niveau 1.

Historiquement, le manque de visibilité et d'applicabilité de ces réglementations a permis aux entreprises d'échapper à la responsabilité en matière de non-conformité au-delà de leurs partenaires commerciaux directs.

Les outils technologiques émergents peuvent désormais être utilisés pour suivre l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, de l'approvisionnement des matières premières au produit final, ce qui permet aux entreprises d'identifier tout lien avec le travail forcé (comme le coton du Xinjiang) ou les violations des droits de l'homme, et de prendre des mesures appropriées.

Le rapport sur le blanchiment de coton de l'Université Sheffield Hallam est un parfait exemple de pourquoi la visibilité est essentielle pour les entreprises afin d'évaluer leur exposition au risque, et comment le fait de ne pas savoir au-delà de leurs fournisseurs directs constitue un fardeau considérable pour le risque réputationnel. 

Surveillance des médias 

Un des principaux arguments contre le système d'audit social est qu'il s'est révélé ‘inefficace et trompeur’, et renforce même des modèles commerciaux défectueux existants. 

Des outils comme les applications et lignes d'écoute pour lanceurs d'alerte complètent les audits en personne. Cependant, il a également été documenté qu'ils ne sont pas toujours accessibles aux travailleurs, ou que ces derniers peuvent ne pas se sentir suffisamment en sécurité pour les utiliser. 

D'autre part, les médias sociaux, les forums de travailleurs et les panneaux d'affichage peuvent offrir des points de vue moins contraints et présenter un tableau plus complet. L'utilisation d'informations en source ouverte pourrait permettre aux entreprises de capturer des informations non filtrées et plus fidèles sur les conditions des travailleurs. 

Prédiction et analyse des risques 

L'analyse des données peut aider à identifier des modèles et des tendances au sein de la chaîne d'approvisionnement, et en même temps, cela peut alerter sur des violations potentielles des droits de l'homme. 

La prévisibilité pourrait être influencée par différents facteurs allant des risques basés sur la géographie à des risques plus spécifiques à un site. 

De plus, cela permet aux entreprises d'adopter des politiques même avant qu'un risque ne se matérialise.  

Des outils prometteurs sont en cours de développement et d'utilisation dans ce domaine en constante évolution. La technologie semble  défier les structures de pouvoir, mais il est important de se rappeler que la diligence raisonnable en matière de droits de l'homme doit être un processus continu, plutôt qu'une simple photo instantanée.

La technologie peut aider, comme le dit le rapport de Harvard, à créer un dialogue entre les entreprises, les parties prenantes, les fournisseurs et les travailleurs, et pas seulement un monologue.